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Comment la star britannique des biotechs Circassia est tombée de son piédestal

"Le marché est réceptif aux belles sociétés qui ont une histoire bien présentée". Ainsi parlait Steve Harris, co-fondateur et PDG, interrogé par Reuters le 13 mars 2014 au sujet du résultat historique de l'introduction en Bourse de Circassia Pharmaceuticals plc. La biotech britannique venait d'atteindre une valorisation totale de 581 millions de livres lors d'une levée de fonds de 202 millions ; un record absolu en Europe (et même un record mondial post crise-financière dans ce secteur biotech). Deux ans après, la belle histoire initialement présentée aux investisseurs est incomparablement moins grandiose : l'action Circadia a chuté de 66% ce lundi, à 91 pence. Très loin de son prix d'introduction de 310 pence, sans parler d'un sommet historique proche de 353 pence atteint en septembre 2015. Circassia vient en effet de subir ce qui peut arriver de pire à une société de découverte de nouveaux médicaments : l'échec de la dernière phase d'essais de son principal candidat. Cat-SPIRE, traitement en développement de l'allergie aux chats, n'arrivera probablement jamais sur le marché. Et les perspectives de l'ensemble du portefeuille d'allergologie, reposant sur la même plate-forme, sont maintenant remises en cause.

L'essai pivot, préalable à une demande de mise sur le marché, de Cat-SPIRE a porté sur plus de 1400 patients dans une dizaine de pays. Les résultats un an après le début du traitement confirment que le traitement est bien toléré et montrent une diminution considérable des symptomes allergiques de ces patients en présence de leur chat ; malheureusement une diminution non moins considérable des symptomes (type rhino-conjonctivite) a été constatée chez les patients n'ayant reçu qu'un placebo.

"Nous sommes surpris et déçus de ces résultats. Nos précédentes études de phase 2 n'avaient pas manifesté un effet placevo aussi spectaculaire. Mais dans cet essai grande échelle, cet effet n'a pas permis de mettre en évidence un effet thérapeutique du traitement, en dépit d'une amélioration remarquable des symptomes allergiques et une diminution du recours aux médicaments contre les crises", a expliqué Steve Harris.

En outre, l'échec de l'essai CP007 remet clairement en cause le potentiel de la plate-forme ToleroMune, qui vise à développer une nouvelle forme de traitements anti-allergiques basés non pas sur des allergènes naturels administrés en doses graduelles (procédé extrêmement long) mais sur des épitopes synthétiques (Synthetic Peptide Immuno-Regulatory Epitopes) supposés éduquer le système immunitaire sans provoquer les effets indésirables des allergènes naturels. Ainsi pour le moment Circassia a décidé d'arrêter l'étude pivot à peine entamée dans l'allergie aux graminées et les préparatifs de l'étude de détermination de doses dans l'ambroisie. L'étude dans l'allergie aux acariens, déjà bien avancée, continue pour le moment, de même que l'étude dans le bouleau dont la phase 2 est de toute façon proche de finir.

Heureusement pour Circassia, la société avait profité de l'appétit des investisseurs pour réaliser une seconde levée de fonds -275 millions de livres- en 2015, pour réaliser l'acquisition des sociétés Aerocrine et Prosonix, ce qui lui a permis d'élargir son portefeuille bien au-delà de l'allergie, vers l'asthme et les troubles respiratoires. Par ailleurs, le solde de sa trésorerie atteignait 139 millions de livres fin mai (plus de la moitié de la capitalisation atteinte ce lundi.

Les retentissements de cet échec en phase pivotable de Cat-SPIRE se propagent loin. C'est catastrophique pour l'entreprise, surtout si l'absence de supériorité thérapeutique se confirme pour les autres produits anti-allergiques de la plate-forme ToleroMune. C'est aussi un nouveau revers pour Neil Woodford, le gérant star du secteur outre-Manche. Circassia était la quatrième position de son dernier fonds, le Woodford Patient Capital Trust, lancé en 2015. À ce rythme Woodford, qui a fait le pari de ne se rémunérer qu'à partir de 10% de progression annuelle de la valeur du fonds, risque d'avoir du mal cette année encore (la NAV est en recul de près de 10% depuis le début de l'année). En revanche, l'univers concurrentiel de la firme belge ASIT Biotech s'affaiblit considérablement. La société récemment introduite à Paris/Bruxelles s'attaque également aux allergies mais avec une technologie complètement différente de celle de Circassia. Son produit le plus avancé cible les allergies aux pollens de graminées, désormais en phase 3. L'action ASIT s'est d'ailleurs adjugé 3,5% en séance lundi, avant toutefois de clôturer en léger retrait. Enfin, l'annonce rappelle une fois encore que ce n'est pas parce qu'une phase 2 a réussi que le succès est acquis en phase 3 (et rappelons-le également, un succès en phase 3 ne garantit pas une homologation...)

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