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Un revers dans les CAR-T pourrait coûter cher à Juno Therapeutics

La mort de trois personnes, lors d'un essai qui comptait à ce stade vingt patients atteints de leucémie lymphoblastique aigüe (en rechute), entraîne d'importantes répercussions pour l'ensemble du champ des thérapies CAR-T. Ce drame vient d'entraîner la suspension par la FDA de l'essai de phase 2 ROCKET, pourrait provoquer la chute de 30% de la valorisation de son promoteur Juno Therapeutics à l'ouverture, et remettre en cause son candidat JCAR015. Toute la question est de savoir si le potentiel jusqu'ici attribué à la technologie des CAR-T doit être revu en baisse. Consistant à reprogrammer les lymphocytes T des patients pour attaquer plus efficacement les cellules tumorales, cette technologie n'avait jusqu'à présent amené que des résultats spectaculaires, avec des taux de rémission jamais vu -jusqu'à 90%- dans des indications auparavant incurables. Et attiré des centaines de millions de dollars d'investissements.

Parmi les principaux acteurs des CAR-T comme Kite, Bluebird Bio, Novartis, le français Cellectis (associé à Pfizer) ou encore le belge Celyad, c'est l'américain Juno Therapeutics qui espérait être le premier à mettre sur le marché un traitement à base de CAR-T. Fondé en 2013 et valorisé dès 2014 2,2 milliards de dollars lors de son IPO, Juno espérait un scénario lui permettant de mettre son JCAR015 sur le marché dès 2017. Un objectif maintenant repoussé d'une année, au moins.

Que s'est-il passé précisément ? Après un premier décès survenu en mai sans qu'il ait alors été possible d'en identifier clairement l'origine (dans un contexte pathologique où il faut malheureusement s'attendre à de nombreuses issues fatales), deux autres patients sont morts coup sur coup la semaine dernière d'un oedème cérébral. Il existe une forte présomption que cet effet secondaire soit dû à l'adjonction d'un nouvel agent, la fludarabine, au cocktail chimiothérapeutique myéloablatif administré aux patients préalablement à l'injection de CAR-T afin d'éradiquer un certain type de cellules immunitaires pour permettre aux cellules reprogrammées CAR-T de s'installer dans l'organisme du patient. Les trois décès à déplorer avaient tous reçus un cocktail fludarabine + cyclophosphamide, aucun dans le bras cyclophosphamide. Par ailleurs le protocole des précédents essais menés par Juno n'impliquait un préconditionnement qu'à base de cyclophosphamide, et aucun effet neurotoxique d'une telle gravité n'avait été enregistré.

Plausible, cette explication n'est toutefois pas certaine, et il reviendra à la FDA de décider si l'essai peut reprendre selon un protocole exempt de fludarabine. L'agence, qui avait justement appelé en mars dernier à un meilleur suivi de la sécurité des thérapies CAR-T, ne manquera pas de se pencher sur d'autres exemples d'oedèmes cérébraux survenus lors d'autres tests pour vérifier l'effet éventuel des cellules ingénierées elles-mêmes, en particulier les CART-T ciblant l'antigène tumoral CD19 comme le JCAR015 de Juno mais aussi KTE-19 de Kite Pharma. En effet, lors de l'essai ZUMA-1 de Kite, un décès par oedème cérébral avait aussi été rapporté, bien que jugé non lié au produit.

L'agence devra mettre en outre en balance les risques éventuels avec la part réelle des CAR-T dans l'efficacité du traitement dans la mesure où le cocktail myéloablatif semble avoir aussi intrinsèquement une activité anti-tumorale notamment employé en conjonction avec des anticorps, un type de traitement anticancéreux déjà sur le marché et donc bien plus largement éprouvé que les CAR-T. Le bureau d'études de Piper Securities souligne que les essais initiaux sur les CAR-T, non couplés à ce type de chimiothérapie, n'avaient pas abouti à des résultats si remarquables.

Pour Juno Therapeutics, ce grave accident clinique pourrait en outre se doubler d'un malencontreux choix de gouvernance. Il se trouve en effet que le PDG Hans Bishop (qui fut l'un des principaux dirigeants de Dendreon, société pionnière de l'immuno-oncologie mise en faillite en 2014) s'est particulièrement activté à vendre des actions Juno ces dernières semaines. Le 30 juin, il a cédé pour plus de 4,4 millions de dollars de titres, selon les déclarations à la SEC (form-4), à un cours moyen de 38,44 dollars - soit 37% plus cher que le cours d'ouverture indicatif de JUNO ce vendredi après-midi.

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