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« Les marchés n’ont pas totalement pris la mesure d’une nouvelle réalité médicale »

Marc Le Bozec ArbevelMarc Le Bozec bénéficie d’une expérience extrêmement variée par rapport aux sciences de la vie puisqu’il a été consultant, créateur d’une entreprise de biotechnologie, BioProtein Technology, et directeur financier d’une biotech cotée, Cellectis, dont il a mené l’IPO. Depuis janvier 2015 il gère désormais le fonds Pluvalca Biotech au sein de la société de gestion Financière Arbevel.

BiotechBourse : Comment concevez-vous le rôle d’un gérant spécialisé dans les biotechs ?
Marc Le Bozec : Avant tout, je considère que cela repose sur l’analyse des fondamentaux des entreprises ; l’essence de notre travail consiste d’abord à comprendre le modèle de l’entreprise, son ambition, ce qu’elle veut faire… Pour cela il nous importe de pouvoir échanger le plus régulièrement avec les dirigeants, le poids du management étant absolument essentiel pour les biotechs qui sont généralement des PME. Cette proximité et cette focalisation sur les fondamentaux nous permet de nous affranchir, autant que possible, des mouvements de marché en investissant dans la durée, à long terme. Dans cette optique, depuis le début de l’année le contexte nous a surtout permis de renforcer certaines positions, tant le mouvement baissier apparaît décorrélé de la réalité des entreprises…

BiotechBourse : Combien de lignes détenez-vous dans Pluvalca Biotech ?
Marc Le Bozec : Un échantillon de 35 à 40 valeurs représente un bon point d’équilibre pour le fonds ce qui signifie qu’un seul titre pourra représenter au maximum 7 à 8 % environ de l’encours. Nous nous fixons un objectif de cours pour chaque valeur et c’est essentiellement lorsque l’objectif est atteint que nous sommes amenés à revisiter l’histoire et éventuellement céder nos titres. Il est plus rare que nous vendions à cause d’une mauvaise nouvelle ou d’un changement d’orientation, mais cela arrive aussi. Il y a quelques mois, une entreprise a modifié sa stratégie pour prendre une voie qui ne nous convenait plus : nous avons préféré nous séparer de nos titres plutôt que de poursuivre une aventure qui ne correspondait plus à notre thèse d’investissement initiale.

BiotechBourse : Conservez-vous votre préférence pour les valeurs européennes ?
Marc Le Bozec : En effet, nous détenons toujours une majorité d’actions françaises et de titres européens, plutôt qu’américaines où on pouvait considérer qu’il y avait trop d’excès de valorisation. Notre constat directeur est en effet que les valorisations des biotechs européennes sont basses en regard de la maturité des pipelines. Au cours des semaines écoulées, on a assisté à une situation extrême où certaines entreprises se traitaient à un niveau proche de leur trésorerie. Pour citer un exemple, la valeur d’entreprise (capitalisation boursière – trésorerie nette, ndlr) d’Innate Pharma a ponctuellement été reléguée à 150 millions d’euros… Certes, cela reste une société en phase de recherche, mais pour une boîte qui compte 14 essais cliniques et qui a signé avec AstraZeneca, Bristol Myers-Squibb et Sanofi, une valorisation aussi faible fait tout de même peu crédit de la clairvoyance de ces leaders mondiaux de la santé.

BiotechBourse : En dehors d’Innate, quels sont vos principales positions ?
Marc Le Bozec : Nous croyons beaucoup à Tigenix qui a obtenu des résultats de phase 3 convaincants sur son produit phare Cx601 pour traiter les complications de la maladie de Crohn ; ce traitement représente un apport thérapeutique considérablement positif pour des personnes dont la qualité de vie est très dégradée par la maladie et pourrait représenter des centaine de millions d’euros de revenus, tandis que le processus d’homologation est maintenant en cours. Nous sommes toujours positifs sur Cellectis, notamment sur la division dédiée à l’agriculture biotechnologique dont le potentiel d’appréciation n’est pas complètement présent dans le cours. Citons encore DBV Technologies, une société gérée de façon très professionnelle et très intelligente avec une ambition réelle d’aller seule jusqu’au marché – ambition impulsée à la fois par le management et par certains fonds américain à son capital. Le Viaskin Peanut répond à un enjeu significatif de santé publique, les essais cliniques montrent que ce traitement offre une efficacité pérenne et qu’il suscite une observance très élevée, car le patch n’est pas contraignant ni douloureux. L’enjeu commercial pourrait se situer entre 1 et 2 milliards, suivant les différentes estimations d’analystes… Le niveau de valorisation actuel offre un bon point d’entrée pour une société qui a ainsi entre les mains un traitement aux caractéristiques uniques, le positionnant très favorablement face à la concurrence.

BiotechBourse : N’y a-t-il pas malgré tout dans la biotech un risque lié à de possibles effets de mode, à certains emballements, par exemple sur l’immuno-oncologie ?
Marc Le Bozec : On ne peut que se réjouir des progrès actuels de la médecine. L’immuno-oncologie notamment aboutit à des résultats thérapeutiques jusqu’à présent jamais observés. Un exemple récent, fin janvier un nouvel essai évaluant l’Opdivo (nivolumab) de BMS dans le cancer de la tête et du cou a pris fin neuf mois avant le terme prévu, tant il s’est révélé efficace. Avec les anticorps thérapeutiques tels que celui-ci, on est donc au-delà du phénomène de mode, mais bien dans une nouvelle réalité.

BiotechBourse : Etant donné le niveau relatif de valorisation, attendez-vous des OPA sur les valeurs européennes ?
Marc Le Bozec : D’une certaine façon, les OPA représentent "la moins bonne solution" pour valoriser le secteur européen des sciences de la vie. Il faut compter 10 à 15 ans pour créer des sociétés crédibles avec des technologies matures, c’est dommage de les voir partir en quelques semaines ! Bien sûr ponctuellement, on empoche une belle prime - cela vient de nous arriver sur une position, la société finlandaise Biotie Therapeutics rachetée pour près de 400 millions de dollars avec une prime de l’ordre de 90 % sur le dernier cours. Mais les OPA ne sont clairement pas mon scénario favori, si l’on se projette à long terme, en tant qu’européens ce n’est pas le meilleur scénario que de voir les belles sociétés rachetées par des américains.

BiotechBourse : Comment envisagez-vous les perspectives du marché cette année ?
Marc Le Bozec : Après l’évolution fortement négative de ces derniers mois, on a pratiquement remis les compteurs à zéro par rapport au début de l’année 2015. Selon nous, cela laisse énormément de potentiel alors que le secteur biotech reste extrêmement enthousiasmant et est encore loin d’avoir délivré toutes ses promesses au vu des projets déjà bien avancés dans les pipelines. Le potentiel d’appréciation boursière est donc très significatif, mais le plus enthousiasmant c’est la recherche qui produit des innovations (guérir l'hépatite C en quelques semaines par exemple) qu’on n’imaginait pas il y a encore quelques années.

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