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Afrezza, chronique d’un ratage annoncé

Sanofi avait versé 150 millions de dollars à MannKind pour les droits de ce traitement du diabète par inhalateur.

Sanofi a donc renoncé à sa collaboration avec la biotech américaine MannKind. Ce n'est pas une surprise pour nous (nous avions déjà évoqué ses difficultés commerciales cet été). Aussi, nous nous rapprochons de plus en plus de notre scénario déjà évoqué en Février 2015 : Et si Sanofi quittait Mannkind pour embrasser Adocia ?

Les motivations qui avaient poussé Sanofi à s'engager en 2014 sur la piste d'une insuline à inhaler sont encore troubles. Par rapport à des injections répétées, c'est évidemment une voie d'administration séduisante sur le papier... mais qu'on sait propice à des effets secondaires graves au plan pulmonaire, certaines études suspectant même un accroissement du risque de cancer du poumon à long terme (Mannkind n'a d'ailleurs toujours pas lancé d'étude sur ce critère).

En août 2014, Sanofi, en quête de relais de croissance pour sa franchise diabète compte tenu de l'expiration des brevets de son best-seller Lantus, avait pourtant pris le pari en achetant les droits de commercialisation de l'Afrezza, développé par MannKind.

Un pari hautement risqué aux yeux de la plupart des observateurs, dans la mesure le seul produit équivalent qui ait jamais été commercialisé, l'Exubera de Nektar/Pfizer, n'avait convaincu presque aucun praticien. Au bout de plus de onze années de développement, Exubera n'était même pas resté un an sur le marché tant les ventes étaient faibles. On peut admirer l'exploit technique que représente la mise au point d'une forme d'insuline humaine sous forme de poudre sèche pouvant être administrée via un inhalateur et ce tout en conservant sa biodisponibilité. Mais les diabétologues ont surtout vu d'une part les contre-indications (chez les fumeurs ou les personnes souffrant de troubles des bronches) et d'autre part la difficulté de s'assurer que le patient absorbe bien toute la dose requise, un élément clé pour tout traitement anti-diabétique. Depuis le retrait d'Exubera en 2007, aucun autre labo ne s'était donc intéressé à cette voie.

Le scénario d'un désastre commercial s'est ainsi répété pour Afrezza, non pas à l'identique mais en pire : le nombre de prescriptions lors des premières semaines du médicament s'est révélé encore plus bas que celles de l'Exubera en son temps !

Par une ironie de l'histoire, Olivier Brandicourt, l'actuel DG de Sanofi, a endossé à chaque fois la charge de tuer le projet. À l'époque d'Exubera M. Brandicourt était en effet un des principaux cadres dirigeants de Pfizer. Arrivé à la tête de Sanofi en avril 2015, il lui est revenu de trancher en défaveur du projet Afrezza qu'avait négocié son précédesseur Chris Viehbacher.

Sanofi s'était heureusement réservé le droit de mettre fin à l'accord à partir du 1er janvier 2016 s'il venait "à conclure de bonne foi que la commercialisation du produit n'était plus économiquement viable aux Etats-Unis" - constat qui ne prête guère à discussion.

Il en aura tout de même coûté au groupe français 150 millions de dollars d'upfront versés à MannKind (le montant total des milestones aurait pu atteindre 925 millions en cas de succès commercial sur plusieurs années). Pour ne pas retourner le couteau dans la plaie, nous n'évoquerons pas les accords autrement plus prometteurs que Sanofi aurait pu passer avec des biotechs, notamment tricolores, pour un montant équivalent à ces 150 millions...

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