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« Les pharmas reconnaissent à Genfit des compétences fortes dans la NASH »

Mouney14Jean-François Mouney est cofondateur et Président du directoire de Genfit, société spécialisée dans les maladies métaboliques, inflammatoires, auto-immunes ou fibrotiques, implantée à Loos dans le Nord.

BiotechBourse : Comment expliquez-vous l’engouement pour Genfit de la part des actionnaires individuels ?
Jean-François Mouney :
Je crois que l’histoire est à la fois assez attrayante et assez simple à comprendre : la maladie que nous visons à traiter, la NASH, est en effet essentiellement la manifestation dans le foie de la « malbouffe » (et du mal-vivre), une problématique quasi-universelle puisqu’elle commence à toucher aussi des nations en voie de développement. Notre histoire, débutée en 1999 et sur le marché bousier depuis 2006, a notamment attiré des actionnaires individuels qui s’associent à notre objectif d’apporter aux patients une solution pour une maladie aujourd’hui sans traitement… Et il y a sans doute également un réflexe de proximité (dont nous nous réjouissons) qui fait que nous avons beaucoup d’actionnaires individuels du Nord-Pas de Calais ou de Belgique…

Comme dans tout engouement, il y a des inconditionnels, des actionnaires extrêmement éduqués qui ont accumulé un bagage scientifique et médical étonnant, et puis aussi des gens qui sont sans doute actionnaires depuis moins longtemps que les premiers qui s’informent vraisemblablement essentiellement via les réseaux sociaux. Certains d’entre eux sont d’ailleurs un peu dans l’excès… Mais il faut l’accepter ; c’est le sort de tout ce qui à un moment donné connaît une forte popularité. Nous nous efforçons donc de nous accommoder du meilleur comme des excès en prenant autant que possible les choses avec sérénité. Nous écoutons, nous nous efforçons d’apporter de la transparence, de rectifier d’éventuelles mésinterprétations et notamment de clarifier ce qu’est notre agenda industriel et ce qu’implique un essai clinique de grande ampleur en terme de durée, en rappelant sur ce point, par exemple, que Genfit est en réalité allé très vite si l’on se réfère à la compétition. S’agissant de la publication des résultats de la phase 2b sur GFT-505/élafibranor, la FDA a, comme on l’a vu, modifié les critères d’évaluation recommandés (endpoints) en mettant l’accent sur le ballooning (à zéro) puis l’inflammation (à 0 ou 1) ; ce qui a conduit à retarder leur publication dans un journal scientifique de référence qui était prête à l’été. Dans ce contexte, les « Key Opinion Leaders » nous ont indiqué préférer ne pas publier un article qui aurait été déjà caduc. L’article a donc été représenté aux reviewers de Gastroenterology, qui sont à la fois très sévères et très compétents, et après les échanges avec les auteurs, il a été publié en ce début d’année 2016.

BiotechBourse : Que retenir justement de cette publication dans Gastroenterology ?
Jean-François Mouney :
À mes yeux, cet article présente deux qualités essentielles : d’abord il raconte en détail le déroulement de la phase 2b, incluant les spécificités qu’il a fallu intégrer (essai international avec de nombreux centres, etc.), et il explique en quoi la phase 3 est justifiée. À cet égard le titre de la publication scientifique – qui n’est évidemment pas décidé par Genfit, mais est le fruit d’une discussion entre les auteurs et les reviewers – est sans équivoque je crois.

BiotechBourse : Où en est la société dans ses discussions avec de potentiels partenaires ?
Jean-François Mouney :
Ces discussions avec les industriels de la pharmacie sont le deuxième élément d’agenda à clarifier. Il faut d’abord bien comprendre qu’aucune pharma ne s’était vraiment penchée sur la NASH avant la sortie du premier document officiel de la FDA datant de la fin 2014 qui a reconnu qu’il était urgent de développer des médicaments pour traiter cette maladie ! Il faut donc du temps pour que l’idée progresse auprès des équipes scientifiques, médicales, de business development… Il faut ensuite que la NASH soit associée à une stratégie de franchise. Il faut bien cibler à quelle franchise la rattacher. Première possibilité, on se dit qu’on traite le foie, donc qu’on rattache Elafibranor à un pôle de maladies hépatiques… Mais la NASH n’a rien à voir avec les maladies virales habituelles ; il ne s’agit pas d’intervenir en quelques mois ou quelques semaines pour éliminer une charge virale avec un taux de réponse très élevé : il s’agit d’une maladie chronique et qui est plus « hépato-cardio-métabolique » que strictement « hépatique ». Deuxième porte d’entrée théorique, la fibrose, mais là aussi on comprend que la maladie a peu à voir avec une fibrose pulmonaire, une BPCO… Enfin la troisième possibilité c’est diriger le médicament vers une franchise diabète, prédiabète, syndrome métabolique. Certes, dans ces troubles le foie n’est pas nécessairement incriminé, mais certains industriels comprennent bien que l’enjeu se rapporte au diabète, à ses complications et comorbidités. On vise à agir sur l’environnement complet du patient pour diminuer son risque cardiovasculaire, sachant que l’insulino-résistance est un des principaux moteurs déclencheurs de la NASH. Cela me paraît la piste la plus pertinente car il est indispensable que les équipes commerciales qui prendront le produit en charge connaissent bien les spécialistes et les médecins qui vont prescrire.

Dernier point sur le processus de décision des industriels : pour eux, il était aussi très important d’avoir un chemin règlementaire clairement établi. Quand c’est flou les pharmas ne prennent pas de risque, c’est une attitude parfaitement sensée. Désormais, la FDA a tracé la voie réglementaire, avec des critères pour le Subpart H basés sur la « disease activity », définie sans ambiguïté comme la nécro-inflammation. Les critères à atteindre pour tous les acteurs sont donc désormais bien établis, ce qui facilite grandement les choses.

BiotechBourse : Quel type de deal envisagez-vous, sachant que l’intégralité de la phase 3 n’est pas encore financée ?
Jean-François Mouney :
Nous ne nous donnons pas beaucoup de contraintes mais il y a deux critères impératifs. D’abord, il ne faut pas que Genfit perde le contrôle du produit qui on le sait vaut beaucoup. Nous ne voulons pas perdre le contrôle du développement parce que si nous disparaissons du processus de décision, nous serions potentiellement à la merci d’un changement stratégique (il y a de nombreux exemples de grandes pharmas qui d’un coup abandonnent tel ou tel marché ou aire thérapeutique). En plus, nous nous couperions des KOL et des régulateurs avec qui nous entretenons des relations très étroites depuis de nombreuses années. La contrepartie c’est qu’il faut être disposé à participer financièrement à ce développement. Nous devrons dans ce cas investir avec le partenaire pour décider ensemble, c’est logique. Ensuite, Genfit ambitionne de conserver les droits commerciaux dans certains territoires. Maintenant, si une pharma exige l’entier contrôle du développement et de la commercialisation du produit, alors l’autre solution peut être de racheter l’entreprise.

BiotechBourse : Quelle est la géographie du capital actuel ?
Jean-François Mouney :
Même si une parfaite connaissance de la géographie de notre capital est difficile, nous savons que les actionnaires individuels détiennent une part non négligeable du capital, aux côtés de nombreux fonds institutionnels et spécialisés européens et américains. Mon objectif est de renforcer le noyau d’actionnaires de référence de Genfit, en dehors de Biotech Avenir qui détient aujourd’hui 13 % des droits de vote. Cela peut très bien arriver via un partenariat : dans le cadre d’une alliance, nous pourrions par exemple échanger la licence du produit contre le versement d’un upfront en cash accompagné d’un apport complémentaire sous forme de prise de participation au capital. C’est une solution assez fréquente. On a eu récemment un nouvel exemple avec le deal conclu entre Gilead et Galapagos. C’est une façon de créer de facto un actionnaire de référence.

BiotechBourse : Où en êtes-vous de la préparation de la phase 3 ? Allez-vous utiliser vos biomarqueurs plutôt qu’une biopsie ?
Jean-François Mouney
: L’ouverture des centres est en cours et comme nous l’avons déjà dit les premiers patients seront recrutés au cours de ce 1er trimestre. Règlementairement, les endpoints doivent être basés sur l’histologie du foie, d’où le recours à la biopsie. En revanche, la grande taille de la cohorte de phase 3 nous permettra justement de valider notre algorithme de biomarqueurs pour qu’il soit disponible pour la commercialisation de la molécule. Nous donnerons davantage d’informations sur le programme biomarqueurs au prochain congrès de l’EASL en avril. C’est un sujet très important car il n’y aura pas de marché très ouvert de la NASH si on doit déterminer les patients par biopsie, notamment les personnes modérément malades. Ce programme de marqueurs est donc très apprécié dans les discussions que Genfit mène avec les industriels.

BiotechBourse : Envisagez-vous un développement d’Elafibranor en combinaison avec une autre molécule, notamment pour toucher les non répondeurs ?
Jean-François Mouney :
Tout à fait, la notion de combinaison est intéressante, et il importe de la travailler en amont pour la maîtriser. Nous pourrions associer Elafibranor avec des molécules contre la NASH ou la fibrose hépatique mais avec un mécanisme d’action différent. Nous en discutons avec des biotechs qui ont des produits dans ce domaine ou avec des pharmas qui ont des produits de ce type en pipeline. Quand on discute avec un partenaire, on parle de notre pipe mais aussi du leur… Nos interlocuteurs nous reconnaissent des compétences fortes dans NASH ; cela fait 5 ans que Genfit travaille sur cette pathologie et connaît donc très bien le sujet, les KOL et les équipes des agences règlementaires…

BiotechBourse : Comment œuvrez-vous à faire connaître la maladie ?
Jean-François Mouney :
Aujourd’hui il n’y a aucun doute sur l’intérêt de la communauté scientifique et médicale, ainsi que des agences réglementaires au sein desquelles travaillent des médecins de très haut niveau. Reste qu’il est essentiel de mieux faire connaître la maladie auprès des prescripteurs et du grand public, ce qu’on appelle le « disease awareness ». Pour éviter de voir la maladie s’aggraver irrémédiablement, il faut bien faire comprendre que la NASH n’arrive pas après dix ou quinze ans de diabète de type 2 mais qu’elle est souvent là avant, et progresse avec le pré-diabète et le diabète si elle n’est pas traitée. Il y a donc un travail de sensibilisation à mener, et nous menons déjà plusieurs initiatives dans ce domaine.

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