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Les prix de vente des médicaments impactent lourdement les Biotechs

Le sujet du prix de vente des médicaments aux US (inflation de 127% depuis 2008 contre 11% pour le panier moyen) revient sur le devant de la scène. Un épisode qui avait fait perdre beaucoup de terrain aux biotechs françaises et US, en mars 2014. Quels sont les enjeux ? À quoi s'attendre cette fois-ci ?

Capture Open IBB 21-09-15

La chute du Nasdaq Biotech à la suite du tweet (publié à 10h56 EOT)

Tout est parti hier d'un simple tweet d'Hillary Clinton, publié 1h26 minutes après l'ouverture de Wall Street, pointant du doigt des "prix abusifs" et "scandaleux" sur les médicaments, renvoyant vers un article du New York Times qui abordait certaines dérives de l'industrie Pharma. "Demain, je vais préparer un plan pour prendre des mesures" concluait le tweet de la candidate démocrate. La réaction ne s'est pas faite attendre, puisque 2 heures seulement après ce tweet l'indice Nasdaq Biotech perdait 5,30% (-4,57% à la clôture).

L'épisode de Mars 2014

On se rappelle qu'en décembre 2013, Gilead avait reçu l'approbation de la FDA pour son Sovaldi (sofosbuvir, un traitement révolutionnaire de l’hépatite C). En janvier 2014, la société annonce son prix de vente pour le lancement : 84 000$. Le 20 mars 2014, deux représentants républicains du Congrès envoyaient une Lettre au PDG de Gilead John Martin lui demandant de justifier le prix de vente du Sovaldi.

Un peu plus tard, Express Script, qui est un assureur santé américain et qui est une sorte de grossiste pour les médicaments, avait alors annoncé préférer négocier un rabais sur un médicament similaire auprès de Bristol-Myers Squibb (également interferon-free, donc sans toxicité, et avec un taux de guérison significatif).

La tension était à son comble. Les investisseurs se posaient alors la question de savoir si les médicaments allaient subir des pressions sur leurs prix de ventes, pour préserver leur fameux "Pricing Power" (pouvoir de fixation des prix de leurs traitements). Un sujet hautement important pour l’industrie du médicament, au regard des taux de marge brute de l'ordre de 90% et des taux de marges nets de 10 à 30% que génèrent les ventes de médicaments.

Depuis l'épisode de mars 2014, il n’y avait eu que très peu de tensions sur le sujet, à savoir que les pharmas et les biotechs pouvaient continuer à imposer à peu près n’importe quel prix sur leurs médicaments. Mais, comme nous l'évoquions en mai dernier dans une de nos Lettres à nos clients "cette situation est de moins en moins tenable". A l'époque, la presse s'était déjà faite l’écho de prix de ventes des médicaments totalement hors contrôle (voir cet article sur le WSJ).

Monter régulièrement les prix des médicaments

Selon Express Scripts, depuis 2008, les prix de ventes des médicaments (hors génériques) ont augmenté de 127% en moyenne aux Etats-Unis, contre une hausse de 11% de l'indice des prix à la consommation. Les analystes Santé de chez Needham, dans une note de recherche publiée en juin 2014, ont mis en avant que les deux dernières années avaient représenté au moins la moitié de l’augmentation des prix de ventes observés lors de la précédente décennie. Autant dire que ce mécanisme d’inflation s’est de plus en plus accéléré, et qu'il tend à se généraliser comme on a pu le voir. Au point de toucher ses limites.

Inflation du prix de vente de certains médicaments (période 2008-2014)

CS pricing

Selon Credit Suisse (graphiques ci-dessus), de nombreux traitements voient leur prix de ventes progresser de plus de 10% par an (CAGR, pour « Compound annuel growth rate » qui est le taux croissance annuel moyen) ce qui représente un doublement des prix tous les 7 ans. Encore une fois, il ne s’agit pas de traitements qui apportent un bénéfice thérapeutique par rapport à leur ancienne version. On peut donc légitimement se demander si cette hausse des prix est justifiée.

3 exemples concrets pour bien comprendre les dérives de ce système

-Horizon Pharma a racheté un médicament contre la douleur, le Vimovo, à AstraZeneca à la fin de 2013. Le 1er janvier 2014, le prix de 60 comprimés est passé à 959,04$ soit une augmentation de 597%. Horizon a même encore augmenté le prix de vente au 1er janvier 2015 à 1678,32 $. Valeant aurait augmenté d'au moins 20% le prix de ses médicaments à 122 reprises depuis le début de 2011, selon Needham & Co.

-Début 2014, Mallinckrodt a payé 1,4 milliard $ pour racheter Cadence Pharmaceuticals et son médicament contre la douleur Ofirmev. Trois mois plus tard, le prix de vente d’ Ofirmev avait presqu’été multiplié par 2,5 (à 1019.5 $). Mallinckrodt fait savoir que ce prix se justifie car les économisent sur les coûts d'hospitalisation des patients.

-En février 2015, on apprenait que Valeant Pharmaceuticals avait racheté les droits de deux médicaments pour le cœur. Le même jour, leurs prix de ventes ont augmenté de 525% et 212%. Aucun de ces médicaments, Nitropress et Isuprel, n’avait profité de quelconques améliorations - on aurait pu penser que des investissements coûteux en laboratoire et en essais sur les humains auraient pu justifier ces écarts. Mais ce n’était absolument pas le cas.

Acheter des médicaments considérés comme étant sous-évalués, pour augmenter les prix : s’agit-il d’une bonne intention ? Certainement pas. À la rigueur, si on pouvait noter un bénéfice thérapeutique (on va voir plus loin que cela a un coût) : pourquoi pas ? Or, les propriétés des produits n'avaient en rien changé - mais seulement leur propriétaire. Au-delà de parler de pratique déloyale, il s’agit également d’un problème éthique. Car cette hausse du coût des médicaments est payée par les contribuables, les employeurs ou par les employés.WSJ pricing

Exemple de l’inflation du prix de ventes des médicaments dans la sclérose en plaques

Récemment, la revue Neurology (lien ici) s’est penchée sur l’inflation du prix de ventes des médicaments dans la sclérose en plaques (une maladie chronique du système nerveux qui affecte environ 400 000 américains).

BLOOM pricingMS pricing

Concrètement, lorsque les premières thérapies pour cette maladie ont été approuvées dans les années 1990, leur prix était de 8000 à 12 000$ par an. Comme on peut le voir sur le graphique précédent, ces mêmes médicaments vendus encore aujourd’hui coûtent entre 50 000 et 65 000 $ par an. Pour autant, il n'y a pas de remède défintif à cette maladie. Les patients prennent généralement ces médicaments pendant des années, voire des décennies.

Le Copaxone du laboratoire Teva, approuvé en 1996, est toujours un best-seller, avec des ventes 2014 de 3,4 milliards $ aux États-Unis. Deux autres médicaments approuvés dans les années 1990 (le Betaseron de Bayer, et l'Avonex de Biogen) réalisaient des ventes totales de 2 milliards $ en 2006 aux US. Ce chiffre a triplé à plus de 6 milliards $ en 2014, alors même que plusieurs thérapies concurrentes ont été approuvées. Une des raisons à cette situation vient du fait qu’il n’y a pas de versions génériques de traitements contre la sclérose en plaques. Ces médicaments, tous issus de la biotechnologie, sont plus difficiles à élaborer et fabriquer, ce qui en complique la copie.

Les médicaments sous ordonnance représentent certes une part infime des dépenses de santé (10% du marché total). Or, les nombreux abus et dérapages sur le marché des médicaments vendus aux hôpitaux - soit 376 milliards $ l'an dernier aux Etats-Unis – entraînent de plus en plus d’inquiétude sur ces coûts élevés, alors même que les expirations de brevets qui se profilent sont moindre qu’avant (et donc moins de génériques à bas prix pour compenser la hausse des prix).

Toute la question est maintenant de savoir si les politiques chercheront à attaquer l’industrie pharmaceutique qui sont de puissants lobbies. Nous sommes en pleine campagne électorale, et il est aussi intéressant de prendre cela en compte alors même qu'Hillary Clinton est en retard dans les sondages. Cette sortie médiatique n'arrive donc pas par hasard. Femme politique pugnace et tenace, elle aura à coeur de faire passer son message de femme qui n'a peur de rien, même pas de s'attaquer aux lobbies alors qu'elle était vue comme une femme de l'establishment. Reste à savoir ce que la candidate en campagne nous prépare comme attaque envers l'industrie Pharma.

Comme nous l'évoquions en mai 2015 : "se pose la question de savoir, alors même que cela fait déjà longtemps que les compagnies d'assurance et les patients se plaignent de coûts élevés pour les médicaments, si les médecins sont de plus en plus enclins à entre dans la partie pour dénoncer certains abus. Certains médecins commencent à participer à des revues académiques pour plaider en faveur d’une baisse des prix pour les médicaments. Reste à voir à quelle vitesse tout cela se fera. Jusqu'à présent, les prix relativement élevés pour les médicaments, mettait les investisseurs dans une certaine zone de confort. Peut-être que tout cela ne durera pas éternellement. Du moins aux Etats-Unis, qui est quand même le plus gros marché mondial". 

Le débat est donc revenu sur le devant de la scène. Avec en corolaire, beaucoup de questionnements. Une heure après le début des cotations, l'Euronext Biotech perd plus de 2% ce mardi 22 septembre... Nous publions notre Avis dans un article dédié à nos abonnés sur la tendance à suivre et sur les données détaillées de mars 2014 pour mieux anticiper les séances à suivre qui risquent d'être mouvementées.

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